La cession de son bail commercial, et rien que son bail
La cession de droit au bail est l’acte par lequel le locataire (le cédant) cède son bail commercial en cours avec les droits qui y sont attachés, au profit d’un futur locataire (le cessionnaire) moyennant un prix.
Il s’agit, ni plus ni moins, d’un changement de locataire d’un bail commercial en cours.
Le bail commercial en cours est repris par le cessionnaire aux mêmes conditions que celles conclues initialement entre le locataire cédant et le bailleur. Le prix du loyer demeure donc inchangé, de même que la durée restant à courir ainsi que le droit au renouvellement.
L’avantage de la cession du droit au bail commercial est de permettre :
- au locataire cédant de sortir du bail avant l’arrivée de son terme (la durée minimale d’un bail commercial étant de 9 ans) sans procéder à une résiliation et en percevant par conséquent le prix de cession
- au cessionnaire de bénéficier d’un loyer privilégié (généralement inférieur au prix du marché), d’une durée raccourcie (pour tester un emplacement) ainsi que du droit au renouvellement (pour une installation pérenne).
Cette cession porte donc exclusivement sur la jouissance d’un local commercial. Elle ne doit pas être confondue avec une cession du fonds de commerce et n’emporte donc pas cession des éléments constitutifs de l’activité commerciale (principalement clientèle, enseigne, nom commercial, marques, autorisations administratives, matériel, etc.).
Il ne s’agit pas non plus d’une sous-location, le locataire cédant n’ayant plus vocation à demeurer locataire du bail commercial.
Par conséquent, l’activité pouvant être exercée par le cessionnaire dans le local commercial cédé doit être identique à celle du locataire cédant. Ceci ne pose pas de difficulté lorsque le bail est qualifié de « bail tous commerces ». Dans les autres cas, la déspécialisation devra être soumise à l’autorisation préalable du bailleur, laquelle est généralement accompagnée d’une indemnité à son profit.
Agrément de la cession par le bailleur
Par principe, la cession du droit au bail est libre. Mais en pratique, elle est généralement limitée par les dispositions du bail commercial conclu entre le locataire et le bailleur qui peuvent comprendre une clause :
- interdisant au locataire de céder son droit au bail à une personne autre que l’acquéreur du fonds de commerce. Rappelons que la cession du droit au bail dans le cadre d’une cession de fonds de commerce est toujours de droit
- nécessitant l’accord préalable du bailleur à la cession du droit au bail (clause d’agrément). Cette clause permet au bailleur d'avoir un contrôle sur l’identité du repreneur et sur les conditions de la cession
- emportant notification préalable et soumettant l’acte de cession à la signature du bailleur.
A noter, un refus non motivé d’une cession soumise à l’accord préalable du bailleur pourrait entraîner le paiement de dommages et intérêts.
De même, une cession de droit au bail commercial déguisée en cession de fonds de commerce afin de contourner l’accord préalable du bailleur s’exposerait à être sanctionnée de nullité.
Droit de préemption de la commune
Lorsque le local commercial est situé dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité d’une commune, la mairie peut acquérir le droit au bail en lieu et place du cessionnaire (droit de préemtpion).
Le locataire cédant doit donc informer la commune de son intention de céder son bail commercial. En l’absence de réponse dans un délai de deux mois, la commune est réputée avoir renoncé à l’exercice de son droit de préemption. A défaut de procéder à cette formalité préalable, la cession serait entachée de nullité.
Prix de cession
Le droit au bail a une valeur patrimoniale basée notamment sur la valeur locative du marché. Il en résulte que, si le prix de cession est librement déterminé entre le locataire cédant et le cessionnaire, il est néanmoins généralement fixé sur cette base.
Dans le cadre d’une cession autonome du droit au bail (c’est-à-dire hors cession du fonds de commerce), le prix de cession est soumis à la TVA.
Le montant perçu par le locataire cédant entre dans la détermination du bénéfice imposable au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou au titre de l’impôt sur les sociétés (IS).
Le droit au bail acquis par le cessionnaire figure à l’actif du bilan en tant qu’immobilisation incorporelle non amortissable.
Sauf accord contraire, le cessionnaire est tenu de régler les droits d’enregistrement dans un délai d’un mois selon les modalités suivantes :
- 3% sur la fraction du prix de vente comprise entre 23.000 et 200.000 euros
- 5% sur la fraction du prix de vente supérieure à 200.000 euros.
En cas d’endettement du locataire cédant, un séquestre du prix de cession du droit au bail pourra être mis en place afin que les créanciers soient payés avant la remise du prix.
Solidarité temporaire du cédant
Par principe, la cession du droit au bail libère le cédant de ses obligations à compter de la date de la cession et donc principalement du paiement des loyers.
Cependant les baux commerciaux prévoient généralement la solidarité du cédant et du cessionnaire vis-à-vis du bailleur dans le cadre d’une cession du droit au bail commercial pour le paiement des loyers et charges. Cette clause permet donc au bailleur de se retourner contre le précédent locataire en cas de défaut de paiement par le cessionnaire. Cette solidarité ne peut en revanche excéder une durée de trois ans à compter de la cession du droit au bail.
En conclusion, la cession du droit au bail séduit par ses nombreux avantages tant pour le locataire cédant que pour le cessionnaire. Mais des précautions s’imposent pour respecter les conditions de forme et de fond. A défaut, la cession du droit au bail commercial est susceptible d’être inopposable ou nulle. Il est primordial d’étudier au préalable le bail commercial en cours et de s’attacher aux conditions suspensives de la cession qui auront été mises en œuvre.
Louis CHARLES
Avocat au Barreau de Paris
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