La clause de réserve de propriété – un outil efficace contre les impayés dans le commerce inter-entreprises

En matière de vente, la propriété d’un bien est transférée à l’acheteur dès l’accord des parties sur la chose et sur le prix, c’est-à-dire dès la conclusion du contrat, et ce indépendamment de la livraison effective ou du paiement du prix.

Or, le risque d’impayés résulte de la distorsion entre les délais de livraison courts et les délais de paiement inter-entreprises longs.

Aussi, pour garantir le paiement, on pourra retarder le transfert de propriété jusqu’au règlement à l’échéance par l’effet d’une clause de réserve de propriété. A défaut de paiement intégral, le transfert de propriété n’aura alors pas lieu et le créancier pourra exiger la restitution du bien dont il est demeuré propriétaire.

Biens concernés

Cette clause s’applique à tous les biens corporels (marchandise, matériel, outillage, etc.) et incorporels (marque, logiciel, etc.).

Elle intéresse principalement les fournisseurs qui ont l’obligation de livrer leurs marchandises avant paiement du prix. Mais elle concerne aussi les prestataires de services à l’occasion de la fourniture et de l’installation de matériel ou de la réalisation de travaux.

La clause de réserve de propriété trouve toutefois ses limites :

  • si les biens vendus sont transformés par l’acheteur ;
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    L’opération de transformation doit être appréciée au cas par cas, notamment au regard du procédé utilisé, de la nature du bien et de son évolution naturelle ou attendue.

    Ainsi, il n’est en principe pas possible au vendeur de revendiquer le produit nouveau fabriqué par l’acheteur à partir des marchandises livrées. En revanche, dans le cas d’une coopérative viticole, une récolte a pu être revendiquée partant du principe que le processus de transformation du moût en vin résulte d’une évolution naturelle, la mise en bouteille en constituant le mode de conservation durable.

  • si les biens vendus sont incorporés dans un autre bien et ne peuvent être dissociés sans qu’ils en subissent un dommage.
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    Par exemple, le vendeur peut revendiquer une rotative fixée par boulonnerie, un dispositif électronique d’une machine-outil débranchable et facilement remplaçable sans endommager la machine, des matériaux de construction non encore mis en oeuvre. En revanche, la clause est inefficace dans le cas de travaux de chauffage, ventilation, plomberie incorporés à un bien immobilier ou dans le cas d’une chaîne de fabrication intégrée à des éléments existants formant un tout indissociable.

Par conséquent, lorsqu’il est ainsi fait échec à la clause de réserve de propriété, le vendeur n’aura d’autre choix que d’agir en paiement de sa créance et en dommages-intérêts.

Validité de la clause

Pour être valable, la clause de réserve de propriété doit avoir été conclue entre les parties dans un écrit établi au plus tard au moment de la livraison. En d’autres termes, cette clause doit impérativement figurer dans le contrat de vente, les CGV, un devis ou bon de commande signé.

La mention de cette clause sur le bon de livraison est également possible, mais elle peut prêter à discussion. En cas de contentieux, il serait alors nécessaire d’établir que la clause était particulièrement visible et que l’acheteur en avait eu connaissance avant la livraison.

La mention de cette clause sur les factures est en principe inopérante puisqu’une facture est généralement émise après la livraison.

Enfin, la pleine efficacité de cette clause dépend de la facilité à identifier des marchandises vendues dans le stock de l’acheteur. Il est donc nécessaire que les documents contractuels identifient précisément les marchandises livrées (référence, article, numéro de série, etc.).

Revendication des marchandises

Ainsi, la clause de réserve de propriété donne droit au vendeur d’exercer une action en revendication ou une action en restitution lorsque le contrat a fait l’objet d’une publication préalable.

Par principe, la valeur des marchandises remises est imputée à titre de paiement sur le solde de la créance garantie. Lorsque la valeur des marchandises reprises excède le montant de la dette garantie exigible, le créancier doit au débiteur la différence. Toutefois, il est possible d’aménager la clause de réserve de propriété afin que le créancier conserve la totalité des acomptes reçus à titre de dédommagement ou à titre de contrepartie de la jouissance de la marchandise.

En cas de procédure collective de l’acheteur, l’action en revendication doit être effectuée auprès de l’administrateur judiciaire (ou du liquidateur judiciaire). Ce dernier pourra procéder au règlement de la créance s’il estime que les marchandises sont nécessaires à la sauvegarde ou au redressement de l’entreprise. Sinon il devra procéder à la restitution des marchandises.

En l’absence d’acquiescement de l’administrateur judiciaire, il sera nécessaire de saisir le juge-commissaire.

Les principaux obstacles aux succès de la revendication concernent :

  • Les marchandises revendues à un tiers acquéreur. Dans ce cas, le vendeur ne peut revendiquer auprès du nouvel acquéreur que le prix non encore réglé.
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  • Le droit de rétention du transporteur lorsqu’il n’a pas eu connaissance de la clause de réserve de propriété au moment de la prise en charge des marchandises.
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  • Le privilège du bailleur non payé sur les meubles garnissant le local loué, même s’ils appartiennent à un tiers, sauf à démontrer qu’il connaissait l’origine de ces meubles.
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  • Le droit de rétention du créancier gagiste existant antérieurement à la vente.
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  • La perte de la chose livrée. Le mécanisme de réserve de propriété ne permet pas au vendeur de se prémunir du risque de détérioration, de destruction ou de vol de la marchandise livrée. Seul le transfert des risques à l’acheteur dès la livraison des marchandises permettrait de revendiquer la quote-part d’indemnité d’assurance correspondant à ses marchandises.

Notons pour finir que le droit de revendication constitue un accessoire de la créance principale ; en cas de cession, il sera transféré (subrogation conventionnelle). Par exemple, lorsqu’un fournisseur cède sa créance à un établissement bancaire, ce dernier bénéficiera de la clause de réserve de propriété et donc du droit de revendication.

Cette clause de réserve de propriété agit donc comme une sûreté permettant de gérer les délais de paiement et de lutter contre les impayés Elle présente de nombreux avantages, qu’il convient néanmoins d’encadrer correctement afin d’en assurer la validité.

Louis CHARLES

Avocat au Barreau de Paris

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